Le Nouveau Monde du golf

Le Nouveau Monde du golf

Comme vous pouvez sûrement l’imaginer, rejoindre un professionnel de golf de la PGA du Canada un samedi matin pour avoir une simple conversation téléphonique n’est pas chose facile. Les gens sont occupés, vous savez? Mais c’est encore plus difficile lorsque la personne que je souhaite rejoindre habite à 13 fuseaux horaires et gère la plus importante académie de golf de la Chine. 

Vous pouvez donc deviner mon enchantement de vendredi soir dernier lorsque, vers 20 heures, j’ai répondu au téléphone et que la voix au bout du fil m’a dit « Allo Chris, c’est Dan Webb ».

« Oh! Allo Dan », ai-je répondu.  « Je te remercie de m’appeler ce matin, tu dois être tellement débordé à l’Académie ces temps-ci, non? »

« En fait, je ne suis pas occupé du tout », m’a-t-il répondu en riant. « L’académie est fermée pour trois semaines de rénovations, alors j’ai une petite pause dans mon horaire. Mais d’abord, le plus important — quand est-ce que ce méchant lockout va se régler? »

Même en Chine, l’absence du hockey de la LNH se fait sentir.

Je lui ai donc annoncé la nouvelle (pas trop plaisante) que la saison de la LNH serait fort probablement annulée et nous sommes ensuite passés aux choses sérieuses. Après tout,  la raison pour laquelle nous consommons tant de minutes en longue distance n’a rien à voir avec Gary Bettman ou Donald Fehr.

Par contre, la vraie raison pour laquelle nous avons cette petite conversation intercontinentale a, en fait, tout à voir avec Webb et un garçon nommé Guan Tianlang.

Le nom vous est familier, n’est-ce pas? Si vous n’avez pas eu accès à Internet, aux journaux ou à la télévision ou si vous étiez parti à la chasse au caribou dans le Nord de l’Alberta, vous n’avez aucune idée de qui est ce garçon. Voici donc le profil rapide de Guan Tianlang. Il est Chinois. Il a 14 ans. Il a remporté le Championnat amateur de l’Asie et du Pacifique plus tôt au début du mois. Il sera le plus jeune compétiteur de toute l’histoire du Tournoi des maîtres à y prendre part en avril prochain. De plus, Webb, le professionnel de golf de la PGA du Canada, est son entraîneur de golf.

« Je connais Guan et ses parents depuis au moins huit ans », me confie Webb. « Dans certains cas, c’est l’entraîneur qui crée le joueur, mais dans ce cas-ci, c’est définitivement le joueur qui a fait l’entraîneur. »

L’humilité est une qualité que les Canadiens et les Chinois ont en commun. Quand même, j’implore Webb de se donner un peu de crédit. Ce n’est pas un hasard si un natif de Toronto âgé de 58 ans est devenu l’un des professionnels les plus reconnus de l’industrie du golf en Chine.

Son académie de golf Quantum située au Sand River Golf Club, dans l’agglomération très animée de Shenzhen, a un terrain de pratique de quatre étages comptant 240 stalles.  C’est également un établissement de 27 trous conçus par Gary Player où près de 750 golfeurs gravitent chaque jour.

Les gens de la Chine sont vraiment amoureux fous du golf.

Aux dernières nouvelles, il y a environ 500 clubs de golf en Chine et près de 3 millions de personnes pratiquent ce jeu à différents degrés. Le sport est en pleine croissance à un taux de 15 % par année. Alors, avec une population globale de plus d’un milliard de personnes et la possibilité de remporter des médailles d’or en golf aux prochains Jeux olympiques d’été (et nous savons tous que le gouvernement chinois ne recule devant rien pour démontrer sa supériorité aux Olympiques), la Chine est le Nouveau Monde.

En quelque sorte, Webb est un pionnier, mais comme dans la plupart des belles histoires, il a failli passer à côté de son destin.

En 2004, le jeune membre de la PGA du Canada alors âgé de 24 ans a quitté Toronto pour se rendre en Chine. Un partenaire d’affaires qui y était propriétaire d’une entreprise de simulateurs de golf l’a convaincu de faire le voyage en Orient.

Le plan ne s’est pas exactement réalisé comme prévu lorsque l’industrie des simulateurs de golf s’est effondrée. Webb s’est retrouvé à chercher ce qui n’avait pas bien fonctionné.

« En Chine, avoir du succès commence par la qualité des relations qu’on entretient » m’explique-t-il. « Quand je suis arrivé, au début, et que l’industrie des simulateurs est tombée à l’eau, les choses sont définitivement devenues… intéressantes, c’est le moindre qu’on puisse dire. Heureusement, j’avais bâti des relations solides avec beaucoup de personnes, ce qui m’a permis de retomber sur mes deux pieds assez rapidement et de tirer le meilleur parti de la situation. »

Webb a ensuite passé quelques années au PureSwing Performance Centre au Tainhe Golf Club avant que l’un des 10 plus grands promoteurs immobiliers de la Chine fasse en sorte qu’il gère l’académie au Sand River.

Webb dit que ses quatre dernières années passées à Shenzhen se sont révélées aussi excitantes que stimulantes.

« J’ai eu la possibilité de gagner beaucoup d’argent », concède Webb. « Mais étant donné le monde des affaires et le gouvernement en Chine, ma situation a été très précaire par moments ».

Contrairement au Canada, Webb explique qu’il n’y a pas vraiment de lois portant sur les entreprises et les taxes. Alors, le gouvernement chinois augmente souvent les taxes quand ça lui convient et, dans certains cas, ils ont même été surpris à passer des terrains de golf au bulldozer en pleine nuit parce qu’on ne s’était pas conformé à leurs exigences.

N’oubliez pas, c’est le Nouveau Monde.

Le monde des affaires et le gouvernement ne sont pas les seules différences majeures entre la Chine et le Canada, loin de là. Comme vous pouvez l’imaginer, presque tout est différent en Chine comparativement au Canada. Étonnamment, Webb dit que les Chinois ont plus de difficultés à s’adapter à la vie occidentale que ceux qui ont choisi d’aller s’installer chez eux.

« Les gens de la Chine immigrent au Canada et ont vraiment beaucoup de difficulté avec notre manque d’énergie », m’explique-t-il. « Et par énergie, je veux dire les gens. Ils sont tellement habitués de voir des gens partout où ils vont, ils ne connaissent pas les grands espaces vides comme un quai de métro désert à Toronto ou les grandes régions sauvages comme celles de nos Rocheuses canadiennes. »

« Mais ce qui leur donne le plus grand choc, c’est le manque de motivation dont souffrent les gens de l’ouest. Les Chinois veulent réussir dans tout ce qu’ils font et n’ont pas peur de faire les sacrifices nécessaires », dit Webb. « Si on regarde la famille de Guan par exemple — quand il n’avait que six ans, ses parents ont décidé qu’il deviendrait un golfeur de calibre international. Au cours des huit dernières années, ils lui ont donc donné toutes les chances de le devenir. »

Puisqu’il est enfant unique, les parents de Tianlang ne vivent que pour leur fils (et pour son golf). L’enseignement académique du garçon de 14 ans se fait à la maison et il passe la majeure partie de sa journée à pratiquer et à jouer. Webb dit qu’il n’est pas comme les autres enfants chinois qui jouent au golf « parce qu’il le faut ».

« La première fois que je l’ai rencontré, j’ai tout de suite détecté son amour et sa compréhension du jeu qui sont beaucoup plus purs que ceux des autres enfants de son âge et même des plus vieux », dit Webb. « Je me souviens qu’à l’âge de six ans il imitait sur demande quatre élans de golf : Tiger Woods, Chris Dimarco, Ernie Els et Jim Furyk. C’était incroyable. »

Au cours des huit années qui ont suivi leur première rencontre, Tianlang a remporté près de 100 tournois de golf disputés partout à travers le monde (et, apparemment, il les expose tous fièrement dans sa chambre).

Au cas où vous n’auriez pas encore compris : il a du talent.

« C’est un jeune avec le style ralenti de Sergio Garcia et une vitesse de tête de bâton incroyable, » dit Webb avec animation. « Mais ce qui le sépare de tous les autres, c’est sa confiance en lui-même et sa capacité de rester concentré à 100 % en tout temps. »

L’an dernier, à l’Omnium de Chine Volvo, alors âgé de 13 ans, Tianlang est devenu le plus jeune compétiteur à prendre son départ dans toute l’histoire du Circuit européen. Webb était le cadet du jeune joueur cette semaine-là et dit que ça ne fait rien s’il a joué 77-79 pour finalement manquer la coupure. Ce qui compte vraiment selon lui, c’est comment il s’est comporté et a pu faire face à la pression.

« Il était solide comme le roc et bien avisé dès le premier tertre », dit Webb dont la voix a pris un accent plus sérieux. « Il était tout à fait à sa place et ce sera la même chose en avril au Tournoi des maîtres », ajoute-t-il. « Son objectif est d’échapper au couperet et le fait d’être le plus jeune joueur du tournoi ne l’impressionne pas du tout. Il sera impressionné s’il gagne et il croit qu’il le peut. »

Webb ne sait pas s’il sera de nouveau le cadet de Tianlang en avril. Il pense que ce serait une meilleure idée si un homme qui a plus d’expérience dans ce rôle pouvait guider le jeune de 14 ans sur le parcours de golf le plus connu du monde. Il dit aussi que la famille Guan se rendra fort probablement en Floride tôt au début de la nouvelle année pour se préparer à ce début très anticipé au Augusta National.

Quoi qu'il en soit, Webb n’a aucune intention de faire le voyage préparatoire pour ensuite retourner dans l’est.

« Une fois les rénovations complétées ici, les affaires reprendront leur cours normal — plus de golfeurs, plus de leçons, plus de tout », dit-il. « Et en plus, il y ce problème avec le hockey… »

« Le problème avec le hockey? » Je lui demande, « sommes-nous retournés à notre conversation sur le lockout ?»

Webb rie et répond, « Non, je joue au hockey trois fois par semaine ici, en Chine, avec un groupe de Russes, de Chinois et de Canadiens. Alors, ça prend aussi beaucoup de mon temps. »

Un membre de la PGA du Canada qui joue au hockey? Ça a de l’allure, non?